mardi 16 octobre 2012

17 octobre 1961 : de la repentance ? Pas en nom !

Vanessa Burggraf, présentatrice de la chaîne France 24, affirmait à la mi-octobre 2011 que des personnalités attendaient de la Vrôôônce (1) (que, quoi ou qui désigne ce nom ?)  "reconnaisse" sa responsabilité (qu'est-ce à dire ?) dans la gestion de la répression de la manifestation d'Algériens à Paris et alentours le 17 octobre 1961.

En 2012, la même chaîne entend commémorer l'évènement en donnant la parole à des "Algériens de France" pour leur permettre, n'en doutons pas, de culpabiliser les Eurofrançais (2) et de les conduire à admettre que, du fait notamment de cette histoire, les personnes issues des flux migratoires sud-nord "ont des droits" sur eux.

Adolescent, j'ai été contemporain de ce développement des derniers mois de la guerre d'Algérie. Il n'y a aucune raison d'exprimer une quelconque repentance, de présenter des excuses ou quoi que ce soit de ce genre. Que celles et ceux qui croiront pouvoir et devoir le faire ne le fassent qu'en leur nom et se ridiculisent ainsi. Ils ne me représentent pas. Je leur dénie le droit de parler pour moi.

La manifestation répondait à un appel du FLN, l'organisation algérienne dont la branche militaire, composée de volontaires, tuait des soldats français en Algérie. Si j'avais eu dix ans de plus en 1961, j'aurais pu tomber en Algérie sous les balles des instigateurs de la manifestation En appelant les Algériens de Paris et de sa banlieue à manifester comme ils l'ont fait, le FLN algérien posait un acte de guerre sur le territoire métropolitain (3)., et il fallait s'attendre à ce qu'il soit répondu à cet acte de guerre. Sauf exceptions, les manifestants répondant à l'appel du FLN étaient tous volontaires, ce que n'étaient pas la plupart des soldats français servant à la même époque en Algérie, et qui ne s'y trouvaient que parce qu'ils appartenaient à des classes d'âge données et étaient ressortissants français de sexe masculin., donc soumis à la conscription (4).

Le FLN algérien a voulu montrer son influence sur les Algériens de la Seine. Ce faisant, il a fait peur et est responsable de la dureté relative (oui, relative) de la répression dont ont été victimes ceux qui ont suivi son appel à manifester. La répression dont on se gargarise aujourd'hui pour la stigmatiser répondait à une provocation grossière. Le FLN algérien invitait à cette répression de gens qu'il a instrumentalisés. La mesure de la peur et de la colère de certains Eurofrançais témoins ou contemporains de cette provocation du FLN algérien peut être évaluée à l'aune d'une intervention d'un conseiller municipal de Paris : il préconisait devant cette assemblée une rafle de militants FLN, et leur embarquement sur un navire à couler en pleine mer; j'ai entendu à la maison, de la bouche d'un de mes proches parents une préconisation similaire. Je suppose que le fantasme récurrent d'Algériens noyés provient en partie de ces propos pronocés sous le coup des émotions-soeurs de la colère et de la peur. Mon souhait, mon attente, c'était que l'Algérie devienne rapidement indépendante, et que le plus grand nombre possible des Algériens qui vivaient parmi nous quittent la France d'Europe dans la foulée de l'accession de leur pays à l'indépendance. Je n'étais ni partisan de l'Algérie française, ni  encore moins sympathisant du FLN et des prétendus mouvements de libération nationale de ce qu'on appelait le Tiers Monde. Je souhaitais la sécession de l'Algérie ... pour ne pas avoir neuf millions de concitoyens musulmans algériens dans le cadre d'une France s'étendant de Dunkerque à Tamanrasset. Je n'ai pas vraiment changé d'avis.

J'habitais Colombes (Seine). Quatre ans auparavant, au sortir d'une grande manifestation sportive à laquelle assistait le président René Coty, à Colombes, le FLN avait fait assassiner un notable algérien musulman, ancien vice-président de l'Assemblée algérienne (mise en sommeil en raison des évènements). La communauté algérienne, et plus généralement maghrébine, était très représentée à Colombes et dans les communes voisines (Nanterre, Argenteuil). Sa présence inquiétait d'autant plus que la presse populaire de l'époque ne cachait rien de la guerre algéro-algérienne que se livraient en banlieue le FLN  et son rival le Mouvement Nationaliste Algérien (MNA). On craignait que cette population qui vivait parmi nous ne réponde à des mots d'ordre du FLN. C'est ce qui est arrivé le 17 octobre 1961. Je me souviens, au retour d'une promenade dominicale en famille, d'avoir vu le terre-plein situé en face de la gare de Colombes, au débouché des rues Victor Hugo, Saint-Denis, de l'Indépendance ou de l'avenue Ménelotte, et de l'avenue de l'Agent Sarre, noir de monde : on venait d'y arrêter un Algérien qui avait assassiné un gardien de la paix du commissariat de Colombes.

On pouvait rencontrer à Colombes, administrée par la veuve UNR de Stanislas Devaud (5) des sympathisants et des compagnons de route du FLN : le calamiteux Parti Socialiste Unifié (PSU) y était assez actif; son animateur semblait être un imprimeur du nom de Cary. Ce Cary était en outre l'imprimeur attitré de la Paroisse Catholique Saint-Pierre Saint-Paul, animée par les Fils de la Charité. Dix ans après les évènements de 1961, le maire communiste de Colombes, Dominique Frélaut, dut se séparer d'une de ses adjointes, une jolie demoiselle du PSU et de la CFDT, militante paroissiale de Saint-Pierre Sant-Paul.. Cette trentenaire bien intentionnée était visitée par des fantasmes qui lui faisaient voir, en 1971, des policiers jeter des Algériens dans la Seine.

En octobre 2012, le maire socialiste de Colombes, Philippe Sarre, entend commémorer les évènements d'octobre 1961, réduits à la répression d'une "manifestation pacifique" (sic) en présence de diplomates algériens et... d'un membre du gouvernement algérien (6). C'est tout simplement déguelasse.


N O T E S

(1) cette graphie ne vise pas une prononciation, un accent quelconque; elle se réfère au caractère très abstrait de l'idée de nation actuellement en vogue, qui ferait souhaiter que le pays change de nom. Si la France est à tout le monde, ou peut être à tout le monde, si elle est avant tout le pays des droits de l'Homme (on a envie d'écrire "droidloms" par dérision, puisque c'est au nom des droits de l'Homme qu'on s'en prend aux libertés fondamentales) plutôt que celui de ses habitants, elle devrait changer de nom : je propose quelque chose comme la Vrôôônse;

(2) qu'on le veuille ou non, qu'on accepte de le voir ou non, le communautarisme existe; le dénoncer n'aboutit qu'à criminaliser le recours éventuel à ce cadre de solidarité par personnes non issues des flux migratoires, disons, du dernier demi-siècle;


(3) ce n'était pas une manifestation pacifique : elle répondait à un mot d'ordre du FLN en guerre avec la France et avec d'autres mouvements nationalistes algériens (dont le MNA de Massali Hadj); que le FLN se soit servi de femmes et de jeunes personnes sans armes pour tester son influence et son autorité sur des Algériens en France d'Europe n'y change rien;

(4) Les bandes de volontaires de Rol Tanguy et de Kriegel Valrimont, ou même de Leclerc, ont beaucoup plus tué ou massacré, et dans des conditions souvent ignominieuses, lors de la "libération de Paris" de l'été 1944, que les policiers commandés par Maurice Papon en octobre 1961 qui n'ont tué, sauf exceptions, que des volontaires, ce que n'étaient pas la plupart des hommes du général Von Choltitz.
Un crime de guerre, voire contre l'humanité, commis par la Résistance, parmi tant d'autres survenus en août et septembre 1944 : à Paris, rue de la Harpe, au Quartier Latin, dans ce que je crois pouvoir situer au Centre de Santé Hostater, qui dépend du C.R.O.U.S. de Paris, des résistants ont assassiné un soldat allemand, mineur d'âge, blessé et prisonnier, malgré les supplications d'une infirmière en service dans ce centre de secours ouvert pendant les combats de ce qu'il est convenu d'appeler la libération de Paris; l'"héroïque" libertador commenta ainsi son geste : "On les tuera tous" (cité dans "Paris brûle-t-il ?" de Lapierre et Collins). Le journal communiste L'Humanité avait appelé au meurtre : "A chacun son Boche", "Pas un Boche ne doit sortir vivant de Paris". Le blessé assassiné n'a pas sa plaque commémorative. Son assassin l'a peut-être, s'il a été tué à son tour peu après. Mais lui était volontaire. S'il avait perdu la guerre...il aurait pu, et dû, être considéré comme criminel de guerre, voire contre l'humanité.

(5) il s'agissait de Marcelle Devaud, née Guggenheim; les Guggenheim étaient des juifs d'Alsace installés en Algérie après la conquête française; paradoxalement, si on peut dire, Stanislas Devaud représentait un mouvement qui entendait plutôt promouvoir les populations arabo-musulmanes des départements français d'Algérie : la Solidarité Française; par dérision, les adversaires de ce mouvement  l'appelaient parfois la Sidilarité Française : dans l'imaginaire familier des Eurofrançais d'avant les flux migratoires massifs des années 1960, les personnes originaires d'Afrique du Nord étaient souvent associés à la figure du marchand ambulant de tapis, dénommé "sidi" (ce qui veut dire "monsieur" voire "seigneur" en arabe, voir : Le Cid, de Corneille), ce qui pouvait être légèrement ironique voire péjoratif de la part des Eurofrançais, mais pas aux oreilles des intéressés ainsi "anoblis";

(6) l'actuel gouvernement de l'Etat qui s'est donné le nom de République Algérienne Démocratique et Populaire se trouve ainsi conforté dans sa légitimité historique : il est issu du FLN qui avait appelé à cette manifestation du 17 octobre 1961;