jeudi 24 mai 2012

Le cas Montebourg : la diffamation n'est pas contraire aux "faleurs de la répuplique"

Selon le Premier Sinistre Jean-Marc Ayrault, son ministre Arnaud Montebourg, reconnu coupable de diffamation, n'a rien fait qui soit contraire aux prétendues valeurs de la République, et n'aurait pas à quitter son gouvernement.

Dont acte.

Je savais, d'expérience personnelle, que la diffamation, non seulement n'est pas contraire à ces prétendues valeurs, mais peut être un instrument à leur service.




1998 : le gouvernement est dirigé par le socialiste Lionel Jospin;  je suis professeur documentaliste dans un grand lycée public du sud de l'Essonne (1); je représente un syndicat de personnels de l'Education nationale au comité d'hygiène et de sécurité pour cette administration dans le département; le procès de Maurice Papon, les campagnes du gang Klarsfeld sont un des thèmes de l'actualité du moment; je fais à la maison, après le service, mes premiers pas d'internaute et il m'arrive de commenter l'actualité sur des forums Usenet, en dénonçant notamment la loi 90-615 Fabius-Rocard-Gayssot du 13 juillet 1990 (2).

Vers la fin mai, je reçois un coup de téléphone alarmé d'un responsable de mon syndicat. Une délégation de ce syndicat a été reçue à Evry par l'Inspecteur d'Académie, Monsieur D. La conversation a porté sur les personnes qui, dans le département, rencontrent des difficultés de carrière et que défend ce syndicat. Mon nom est évoqué par la délégation syndicale. L'Inspecteur d'Académie lui annonce que je vais être très rapidement suspendu de mes fonctions (3) compte tenu de l'urgence et de ma dangerosité : dans le cadre de mes fonctions, je me livrerais à de la propagande négationniste sur Internet. L'Inspecteur d'Académie dispose sur son bureau d'un volumineux dossier dont il donne lecture de morceaux choisis à son auditoire, pour lui donner la chair de poule. Surprise et embarras de la délégation syndicale dont un membre va poser la bonne question : Monsieur Lallau est-il au courant de la procédure qui serait déclenchée contre lui ? A son tour, l'Inspecteur d'Académie est embarrassé : il reconnaît n'en savoir rien. Le syndicat comprend ceci : je suis maintenu dans l'ignorance de ce dont je suis accusé, et c'est lui qui m'informe.

Les semaines passent, et aucune procédure n'est déclenchée. Mon syndicat rencontre des responsables du Rectorat à Versailles. Ils doivent concéder : a) que je n'ai enfreint aucune loi; b) que cette participation à des forums de discussion sur Internet était une activité privée, à laquelle je me livrais dans les limites de la loi en dehors des heures et lieu de service. On m'a diffamé pour m'intimider, et dissuader mon syndicat de me défendre et de me conserver sa confiance.

L'Inspecteur d'Académie disposait bien d'un dossier comportant des extraits de mes interventions sur les forums Internet puisqu'il en a donné lecture de certains passages à la délégation syndicale. Il existe donc bien un dossier occulte me concernant puisque le Rectorat a assuré le syndicat que mon dossier administratif et pédagogique ne comportait aucune pièce relative à mes interventions sur Internet.

Je porte plainte contre X pour dénonciation calomnieuse; je dois avancer 6000 francs de frais de consignation, payer les honoraires d'un avocat. Au bout de quelques mois, la juge rend une ordonnance de non-lieu : l'Inspecteur d'Académie ne peut identifier et désigner ses informateurs. Mon avocat me dissuade de porter le non-lieu devant la chambre d'accusation (c'est la "gauche caviar", me dit-il, vous n'aurez aucune chance). Et puis j'ai besoin de récupérer mes 6000 francs et suis peu enclin à repartit dans une nouvelle procédure avec versement de nouveaux honoraires à un avocat qui doute de la suite favorable de cette nouvelle procédure.

Je reste en place, dans le syndicat et dans l'Education nationale. L'Inspecteur d'Académie et le Proviseur aussi. Le premier va même bénéficier d'une promotion et quitter l'Essonne pour un grand département dont le chef-lieu à pour maire la fille Delors.

Non, la diffamation n'est pas contraire aux valeurs de la République, même pas à celle de son Ecole, et elle peut même, surtout avec le P.S., être un des outils employés pour la défense et la promotion de ces valeurs et des institutions.

Voir aussi :

http://jeanmarielallau.blogspot.fr/2012/05/clientelisme-ps-dans-leducnat.html


NOTES

(1) j'y ai succédé à un collègue qui était militant anti-apartheid; on n'a sans doute pas pu ne pas se demander dans quelle mesure j'étais apte, ou disposé à lui succéder aussi dans cet engagement ou dans un engagement semblable; on m'a observé, évalué, comparé à ce collègue-citoyen et certains n'ont pas aimé;

(2) le Proviseur du  lycée est un des animateurs locaux du groupuscule chevènementiste, le Mouvement des Citoyens.; l'établissement est certes "laïque", mais un codicille implicite prescrit que la cohésion de la prétendue communauté éducative repose sur un consensus portant sur les questions sociétales, les soi-disant valeurs de l'école de la République : égalitarisme à tout crin, féminisme, tiers-mondisme. Ca marche plus ou moins bien : le Proviseur fonctionne en opposant les gens entre eux, y compris ses adjoints, à tour de rôle, et une solidarité de fait s'établit naturellement entre les personnes qui sont ses clients, au sens romain du terme, et une solidarité parallèle et contraire se noue entre ceux qui sont, ou ont été les victimes de ce système.


(3) l'énormité de la tentative de stabilisation ou de mise à l'index m'a étonné : je pensais qu'au fil des années on avait fini par se résigner à ma présence, à défaut de pouvoir l'accepter; j'avais tort : la structure dans laquelle je travaille à l'intérieur du lycée, le C.D.I. (Centre de Documentation et d'Information), comporte une majorité de personnes de sexe féminin dont une soixante-huitarde autoritaire et sectaire. Je travaille loyalement avec mon environnement professionnel, mais cette collaboration est parasitée par le degré de méfiance dont je suis l'objet du fait de mon refus de faire allégeance, de mes silences ironiques lorsque certaines questions de société sont évoquées entre collègues; je représente un syndicat confédéré mais micro-minoritaire dans l'Education nationale; j'ai pris involontairement la place de la "meilleure amie" de la collègue autoritaire et sectaire ( et qui est ainsi au nom de l'anti-autoritarisme et de l'ouverture d'esprit) et ai mis fin à la collaboration et aux contacts quotidiens sur le lieu de travail entre ces deux femmes que liait apparemment une tendre amitié quasi fusionnelle; je suis sous-, et mal noté par le Proviseur, sur le fondement des informations et impressions que lui communique ma collègue à la forte personnalité; dans ce contexte, j'aurais dû m'attendre à ce genre de coups bas.