vendredi 30 mars 2012

L'"imam" Tagueule et la récupération nationale

Il s'appelle Abdallah Zekri. Il n'est pas imam, ou en tout cas, pas
désigné comme tel par les médiats. Il est quelque chose à la Grande
Mosquée de Paris et au C.F.C.M., et à l'Observatoire de l'Islamophobie
(sic), après avoir été quelque chose à l'UMP dans le Gard et avoir
quitté ce parti avec rage (il a déchiré sa carte en public devant
micros et cameras) lorsque Jean-François Copé a "osé" lancer un débat
sur la laïcité il y a quelques mois. A défaut d'être un imam, c'est un
militant communautaire assez teigneux et agressif.


Il y a environ deux décennies, l' abbé Pierre avait eu une minute de
gloire en lançant un "ta gueule !" à l'écoute d'un discours enregistré
ou retransmis de Jean-Marie Le Pen, à l'adresse de l'orateur
physiquement absent. Des organes de presse favorables à Jean-Marie Le
Pen et au Front National l'avaient alors appelé l' abbé Tagueule.
Abdallah Zekri demande, dans un entretien au quotidien de Serge
Dassault, au père de Mohamed Merah de "fermer sa gueule". C'est
l'"imam" Tagueule. Ce n'est pas très miséricordieux, ni peut-être même
islamique d'accabler un père qui vient de perdre son fils et qui, de
l'autre côté de la Méditerrannée, n'a pas accès aux informations
disponibles en France d'Europe et évolue dans une ambiance très
différente.


Mercredi 28 mars, médiats et hommes politiques s'insurgeaient contre
le projet de Merah senior de faire un procès à "la France" (qu'est-ce
que c'est ?) et au RAID pour avoir "tué (son) fils", le jugeant
indécent. La question était de savoir s'il en avait le droit, et la
réponse est affirmative. Il faut espérer que ce procès, s'il a lieu,
rende justice aux hommes du RAID, et c'est tout. Il faut savoir gré à
Merah senior d'avoir proposé l'enterrement de son fils en Algérie.


Jeudi 29 mars, la récup' commence : on ne fait pas grief à la
République Algérienne Démocratique et Populaire de se défausser sur la
France d'Europe des "troubles à l'ordre public" que le lieu de repos
de Merah junior pourraît connaître (lieu de pélérinage ou de
profanation), alors que les risques sont plus grands au nord de la
Méditerrannée qu'au sud, et que la R.A.D.P. est notoirement un Etat
policier qui a les moyens de les prévenir; par contre, on insiste à
l'excès sur les liens de Merah junior avec ce qu'il est convenu
d'appeler "la France" : "il est Français", "il était Français", "il
est né en France", et ceci par la bouche de badauds interrogés par les
chaînes de télévision. Je suis né sur le territoire européen de la
France, j'ai quelque part une carte d'identité dite nationale qui
porte quelques centimètres sous mon nom les deux mots "nationalité
française" mais je ne revendique pas le droit d'être un jour inhumé
dans ce pays, si toutefois il existe encore à ce moment là. J'ai
appris de Monsieur Chevènement, quand il était ministre de
l'Intérieur, qu'être Français, c'était tout simplement .....avoir la
nationalité française. En Français puant d'arrogance, Chevènement
expliquait cela devant un collègue d'un pays voisin pour affirmer la
supériorité de la conception vrôôôônsaise, purement politique et
juridique, de la nationalité, sur d'autres, soupçonnées de références
ethnicisantes indignes de la "grande nation".


Les circonstances de l'inhumation de Merah junior ont permis une
récupération : la mise en avant de l'appartenance à "la France" de ces
populations dont les points de repère, les références sont étrangères
(mais la récupération consiste justement à poser l'affirmation
contraire) à la France d'Europe. Il s'est agi de contribuer à donner
à "la France" une autre image d'elle-même.